Nelly, la semeuse et ses bons plants aux jardins de Masapi

On est mi-mai et la pluie ne s’est pas encore arrêtée. Tout est mouillé dehors et cela nous aurait presque refroidi, mais c’est sans compter sur notre motivation à valoriser le travail de ces producteurs et coopérateurs qui, chaque jour, œuvrent aux champs, que la météo soit bonne ou non. On a mis nos bottes et nos cirés, et on s’est fait arroser comme les belles plantes choyées par Nelly Duquennoy.

Officiellement productrice de plants de légumes, d’aromatiques et fleurs à Camarsac depuis 2015, Nelly est géographe de formation. Enfant de Saint Caprais, elle aime ce territoire de l’Entre-deux-Mers. Et si son début de carrière fut dans le secteur bancaire, son envie profonde s’est révélée dans le temps : troquer les plans financiers et comptables pour cultiver de bons plants biologiques.

Aussi ses serres sont-elles de véritables pouponnières : elle travaille sept jours sur sept pour prendre soin de ses semis et de la vie comme elle vient : sensible, fragile et dont il faut se préoccuper comme le lait sur le feu. “De janvier à juin je n’ai pas une minute à moi, je ne peux pas m’absenter, même une journée à la plage n’est pas envisageable” confie la productrice.

 

En janvier, elle commence par les oignons et les poireaux, qui mettent du temps à venir. Puis viennent les autres légumes, les aromatiques et les fleurs. Sur des tables chauffantes, elle fait naître et prend soin des semis les plus fragiles – notamment du basilic, lors de notre visite. En principe, elle prend quinze jours de congés en juillet, avant de remettre les semis en août, pour la rentrée, avec les légumes feuilles (épinard, salade, blette, oignons blancs)

Au quotidien, il lui faut installer des voiles d’hivernage quand le froid est annoncé. Elle veille aussi au confort de la biodiversité qui cohabite sur son terrain : hérissons et crapauds y sont  choyés, tant ils se révèlent utiles à la tâche. Nelly leur laisse même des espaces dédiés, des abris douillets et enherbés pour qu’ils se sentent bien ici. Sur le terrain, deux brebis entretiennent la végétation près des serres et limitent ainsi la venue des gourmands qui pourraient s’en prendre aux plantes. Mais là dessus, Nelly n’est pas inquiète :  “je ne garde pas les plants assez longtemps pour qu’ils tombent malades. J’utilise le purin d’ortie ou de consoude pour les renforcer si-besoin effectivement, mais cela n’arrive pas souvent”

 

Aidée par Emilie et Sarah, deux jeunes femmes en reconversion, actuellement en Bac Pro à la MFR de la Sauve, Nelly ne boude pas son plaisir : “j’adore passer de la graine à la belle plante, c’est magique” nous confie-t-elle, avouant même que le catalogue des graines lui fait l’effet d’un catalogue du père Noël.

En 2020, elle a produit près de 200 000 plants, vendus essentiellement à des producteurs bio de la région. Aujourd’hui, 90% de sa production est potagère, mais son rêve serait de faire plus de fleurs, “des fleurs de grand-mère, faciles à vivre, qui font de l’effet et durent longtemps” précise-t-elle en pensant au cosmos, à la nigelle, au souci ou encore au tournesol.

Financièrement elle s’en sort, “mais il ne faut pas réfléchir sur une base de tarif horaire” sourit celle qui apprécie de n’avoir de comptes à rendre à personne, d’être totalement indépendante, en lien avec le vivant, et d’exercer une activité qui fait sens.

Et Masapi au fait, ça vient d’où ? Des prénoms de ses trois enfants qu’elle a repris pour baptiser son exploitation comme le font les marins pour leurs embarcations. De quoi faire voguer les graines et continuer de semer longtemps, au naturel et sans mal de terre…

Texte : Anne Sophie NOVEL / Photographies © Marion PARENT https://marionparent.com/