Claire Lasserre, un délice de maraîchère

Située à l’entrée de Créon, sur une parcelle qui dépend de la commune de Saint Genès de Lombaud, l’exploitation est aussi discrète que sa propriétaire – mais je vous rassure : cela n’enlève rien à la force et à l’ancrage qui s’en dégagent, bien au contraire ! Depuis 2017, Claire a repris ces hectares laissés à l’abandon depuis 20 ans : à la polyculture élevage qui s’y pratiquait à l’époque, elle a préféré semer ses rêves de toujours – des arbres et arbustes fruitiers

Sa formation agricole en poche, elle a d’abord travaillé dans le privé comme paysagiste avant de se lancer dans cette aventure de reprise d’exploitation hors cadre familial.

« Je voulais combiner mon expérience en jardin agricole et mon expérience d’élagage paysager avec une idée en tête : amener au jardin une culture autre que la seule culture vivrière », nous glisse-t-elle, avec l’envie de voir un jour une troupe de cirque ou de théâtre déambuler sur ses sept hectares de propriété (seuls deux sont cultivés pour l’instant).

Engagée dans de nombreux collectifs locaux (Entre-deux-mers en transition, Biotimarrons à Targon, le Grain de Blé à Saint Caprais de Bordeaux, etc.) Claire a décidé de prendre son temps pour « commencer petit » et tisser autour d’elle une solide toile faite de riches rencontres, d’entraide et de solidarité. « Ce n’est pas l’agriculture qui m’intéresse, mais la façon dont nous pouvons bien vivre ici », nous lance-t-elle avec un large sourire.

Aussi le Jardin Délices est-il cultivé en bio certes, mais c’est presque une évidence tant la cultivatrice est portée par son désir d’autonomie: plus que ce label connu de toutes et de tous, il s’agit pour elle d’aller plus loin, et de montrer qu’il est possible d’économiser les ressources, d’allier l’équitable au viable et au durable avec, de surcroît, une joie de vivre contagieuse.

Dans la grande serre où nous nous posons pour papoter d’ailleurs, cette intention se ressent directement : l’atmosphère y est chaleureuse, dans tous les sens du terme. Claire nous détaille alors ses différentes cultures : pommes, poires, noisettes, figues, prunes de multiples variétés, coings, amandes, châtaigner, grenadier, citrons, clémentines, framboises, mûres, cassis, myrtilles, raisin de table, physalis, multiples fleurs comestibles telles la bourrache, la consoude ou la capucines en passant par de nombreuses variétés de fraises, dont elle a fait son emblème. Sans parler des commodats sur lesquels certains de ses amis cultivent des plantes aromatiques ou des légumes, voire installent des ruches. Une vraie corne d’abondance qui se remplit de ces richesses au fil des rencontres, avec une dynamique de bouche à oreille qui n’aura jamais aussi bien porté son nom, d’autant que le mode de récolte principal repose sur la cueillette libre des consommateurs. « Le jardin Délices se nourrit de celles et ceux qui en saisissent l’état d’esprit », nous précise d’ailleurs la maraîchère, dont les récoltes se trouvent aussi dans quelques rares points de vente et restaurants situés alentour (pas plus de 20 kilomètres).

Et le BREC alors, dans tout cela ?

« Il renforce la dynamique de coopération que j’ai vue se renforcer depuis que je suis là. On se soutient, on renforce nos liens, nos implications et nos engagements » nous confie-t-elle alors que ses productions sont utilisées pour le bar-restaurant et qu’elle accueille sur son terrain la plateforme de compostage actuellement en test avec quinze familles du Créonnais. « Mon problème n’est pas de vendre mes produits, mais de trouver des alliés pour mutualiser des achats, telle une chambre froide commune par exemple » nous explique-t-elle à la fin, avant d’aller bichonner ses arbres dont il faut s’occuper en ce début d’hiver (taille, traitement préventifs à base d’argile ou de consoude, paillage). Aucun doute qu’ils sont bien ici, en sa compagnie, en ce lieu où la ferme autrefois s’appelait « la joyeuse »*. Un signe qui ne trompe pas !

*la ferme est désormais sur le terrain d’Ecoline, que nous irons rencontrer prochainement ! Claire a acheté une partie des terres où il n’y a pas de bâti.

Texte : Anne Sophie NOVEL / Photographies © Marion PARENT https://marionparent.com/